ALLONS A LA FOIRE DE LESSAY

La tempête souffle sur le Cotentin...mais le soleil brille..et c'est une bonne chose pour les quelques 400 000 visiteurs attendus à Lessay ce weekend pour la Foire Sainte Croix...
Cette foire remonte au XIème siècle...Ce sont les moines de l'Abbaye Sainte Trinité qui l'ont créée, afin d'attirer du monde à Lessay...


Les moines s'occupaient de toute l'organisation et en échange percevaient des taxes..il fallait en effet leur payer un droit pour s'installer sur le champ de foire...
 
Jusqu'au XVIIème siècle, cette foire ne durait qu'une journée, et puis, elle a gagné en notoriété, la stabilité s'est peu à peu installée dans le royaume, et en 1671, un édit de Louis XIV fixa la durée de la foire à 4 jours !!!
Aucune foire n'avait le droit de s'installer à moins de 4 lieues de Lessay...
L'abbé Léonor de Matignon contribua ainsi grandement à l'enrichissement de la Sainte Trinité, et connut une gloire retentissante en Normandie en tant qu'évèque de Lisieux car il fit paraitre un édit fixant les devoirs des curés de campagne, qui étaient souvent à l'époque aussi illettrés et parfois débauchés que leurs ouailles...
A l'époque Sainte Croix était surtout une foire aux bestiaux...et tous les gros fermiers de Normandie et de Bretagne venaient y vendre et y acheter volailles, moutons, vaches et surtout ânes, mulets et chevaux, percherons, traits légers et selles français..l'Armée Impériale se fournissait en grande partie à la Foire de Lessay !!
 
Les marchands de toutes sortes, même de Guernesey et Jersey, venaient, en effet, s’approvisionner à la Sainte-Croix de Lessay... Une petite ville de tentes et de pavillons s’improvisait... Les boutiques et les tentes se disposaient, en plein vent, sur la lande, en formant des rues et des quartiers...
Il y avait la rue des Cuisiniers, qui avait parfois 300 mètres de long, la rue des Tentes à café, la rue des Bazars. Il y avait notamment une rue de Rouen, où se dressaient les tentes des marchands de tissus et d’étoffes. On s’y pressait pour acheter le trousseau des filles à marier...
Les orfèvres voisinaient avec les marchands d’ornements d’église, avec les chaudronniers de Villedieu ; les sabotiers du Mortinais y rencontraient les potiers de Nehou, de Sauxemesnil et de Ger....On trouvait, à Lessay, mille approvisionnements, des volailles, des légumes et des melons de Créances, le pays des primeurs et des cantaloups savoureux ; de la filasse, de l’épicerie et de la mercerie…

Raoul de Felice, auteur d'un guide de la Normandie au XIXème siècle décrit ainsi les activités annexes de la foire :
" Acheteurs et vendeurs vont se restaurer copieusement sous de vastes tentes où s’alignent des rangées de tables et de bancs, où des mâts, coiffés d’un pichet ou d’un chapeau défoncé, annoncent qu’on y vend du bon « baire ». Dès le matin, des brasiers, en plein vent, protégés par des levées de terre, ont été organisés ; des quartiers de moutons - de ces bons Présalés des bords de la Manche, - des rangées de volailles y rôtissent à la broche.
La besogne terminée, le patron débroche, coupe et taille la viande saignante. Ailleurs, les pêcheurs d’Agon, ceux de Saint-Waast, viennent vendre leurs huîtres à l’écaille, leurs langoustes, leurs crabes, tandis que les maraîchers de Créances proposent leurs fruits et leurs légumes poussés sur les mielles, une sorte de bande de terrains sablonneux et fertiles, qui longe la mer et borde la lande de Lessay. Les futailles de cidre se vident en un clin d’oeil ; les cafetières géantes et les « demoiselles » d’eau-de-vie suffisent à peine à satisfaire les clients.
L’après-midi est consacré aux achats et aussi aux attractions. Les saltimbanques, les cirques, les théâtres, les jeux, attirent jeunes gens et jeunes filles. A dix lieues aux environs d’Angoville, de Saint-Germain-sur-Ay, de Vaudrimesnil, dans les fermes, la foire de la Sainte-Croix était une récompense, après le dur labeur de la moisson. Les gens couchent, tant bien que mal, dans les auberges de Lessay. D’autres vont chercher un gîte à Périers ou à la Haye-du-Puits, mais la plupart des paysans passent la nuit à la belle étoile, sous une tente ou dans leur carriole.
Puis, tout le monde s’en va ; les Guernesiais ou les Jersiais reprennent leurs bateaux, par Portbail ou Carteret, et, la foire fermée, les baraques, les tentes disparaissent, laissant seulement sur le sol de la lande, les traces de leur passage. Du jour au lendemain, la grande lande de Lessay retombe ainsi dans son silence de mort. De l’agitation foraine, il ne reste rien… Les brumes de l’automne enveloppent alors l’immense solitude redevenue déserte et, bientôt, les vents d’hiver courbent les ajoncs défleuris sous d’impétueuses rafales…."

De nos jours, on trouve toujours les bestiaux, et aussi tous les stands habituels des foires, ventes de matériel agricole, de voitures, et...de trucs qui ne fonctionnent qu'entre les mains des bonimenteurs et finiront au fond d'un placard...
La grande originilaté de cette immense foire, c'est qu'elle occupe 32 hectares sur la grande Lande de Lessey...
Cette Lande est une ancienne plaine de sable de mer, plate et pelée, sur laquelle affleurent à peine quelques blocs de grès..on l'appelle parfois le Sahara Normand !

Barbey d'Aurevilly en a merveilleusement parlé :
" Placé entre la Haye-du-Puits et Coutances, ce désert, où on ne rencontrait ni arbres, ni maisons, ni haies, ni traces d’hommes ou de bêtes que celles du passant ou du troupeau du matin, dans la poussière, s’il faisait sec, ou dans l’argile détrempée du sentier, s’il avait plu, déployait une grandeur de solitude et de tristesse désolée qu’il n’était pas facile d’oublier. La lande, disait-on, avait sept lieues de tour et, pour la traverser en droite ligne, il fallait, à un homme à cheval et bien monté, plus d’une couple d’heures.
… Visibles d’abord sur le sol, et sur la limite du landage, les sentiers s’effaçaient à mesure qu’on plongeait dans l’étendue, et on n’avait pas beaucoup marché qu’on n’en voyait plus aucune trace, même le jour. Tout était lande. Le sentier avait disparu. C’était, pour le voyageur, un danger toujours subsistant. Quelques pas le rejetaient hors de sa voie, sans qu’il pût s’en apercevoir, dans ces espaces où dériver de la ligne qu’on suit était presque fatal. »

La Lande était le Pays des Goublins, des Fées, des Varous, des Dames Blanches, des Sabbats des Sorcières, et bien sur... des coupe-jarrets !
Le poète de langue Normande, Louis Beuve, a écrit un magnifique texte sur la lande..je vous le livre ici en version originale...j'espère que votre sagacité saura en traduire les grandes lignes...

" LA GRAIND LAINDE

Veire ! Dains les soumbres nyits de varouage,
quaind no-z'enteind les veints vîpaer,
quaind les pouores geins qui sount en viage,
devaunt tei fount le sène dé la croué,
ch'est en vain que Carterêt qui s'alleume
t'envie le sourire dé sen écllai.
T'es triste souos ten manté de breume
et ryin oû mounde né te distrait
ô ma belle lainde, grainde coume la mé,
ô ma graind-lainde dé Lessay.

Grainde millorenne désolaée,
tu ne souoris qu'eune feis touos les ains.
Quaind la sainte croué, à pllennes quertaées,
sus ta brière amouène nous geins,
tu troublles la vuule abbaye
des beugllements de dyis mille âomés
et pendaint les troués jours de folie,
le Cotentin n'a paé ta fyirtaé,
ô ma belle lainde, grainde coume la mé,
ô ma graind-lainde dé Lessay.

Men âme, coume eune vuule touornyiresse,
qui, souos les teintes, vous teind la main,
révyint, ô lainde dé ma jeunesse,
té demaindaer l'âomône d'eun souvenin.
Jé té ressemble car touotes les jouées
achteu maisi ne durent paé tcheu mei,
et ma pouore âme touormeintaée
est demeuraée triste touot coume tei,
ô ma belle lainde, grainde coume la mé,
ô ma graind-lainde dé Lessay. "

On a bien essayé d'installer des camps militaires sur la lande... mais on y a renoncé.. au fil des ans certains ont essayé de l'ensemencer, on a vendu des parcelles qui ont un peu reverdi le paysage, mais cela n'a duré que le temps de faire pâturer les oies et les moutons...
Cependant, la petite ville de Lessay s'est développée là, en lisière de la Lande...et puis l'Abbaye de la Sainte Trinité qui a donc été le moteur de son développement...
La foire ne plus que 3 jours...mais tout le bourg est partie prenante de l'évènement...on installe des parkings dans les champs...il vous en coutera 3€50 pour une journée sympa et dépaysante !!!
Nous y sommes bien sur allées, Maman et moi, cet après-midi, bravant la tempête...
Premier bémol...difficile pour les handicapés..rouler le fauteuil dans les gros graviers style balast..dur dur ! Heureusement, dans les allées sablées ça roule !
Il y avait déjà bien du monde, nous nous sommes concentrées sur les animaux, vous vous en doutiez peut-être...
Nous avons vraiment admiré les poules de toutes races, Houdan, Nègre Soie, Coq Gaulois..des gallinacés vraiment magnifiques !!!

loupservier

 Les canards aussi étaient présents, siffleurs, chanteurs, mandarins...et les oies, cendrées, canadiennes, belles grises Normandes...
Des lapins de toutes sortes, des cailles, des dindons, des faisans, des furets, des perruches...bien sur on remarque vite les éleveurs qui soignent leurs animaux, ils les ont installés dans des enclos, ombragés, avec de l'eau... et les autres, serrés dans des cages, sales...c'est triste...
Les prix sont vraiment très raisonnables et nous nous sommes vraiment décidées à installer un poulailler dans notre terrain et à revenir l'année prochaine pour choisir de belles poules, des canards ou oies et des lapins....

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Par contre second bémol...la foire aux chiens...inadmissible que de telles pratiques soient encore autorisées...les chiots sont dans des cages, serrés les uns contre les autres, endormis, toutes races mélangées...comment avoir confiance dans ces élevages ou 10 races à la mode cohabitent...faire de l'argent à tous prix...
Les prix s'étalent de 400 à 1200 €...nous passons très vite...
La SPA aurait du être présente...un stand consacré à l'adoption aurait aidé à faire passer la pillule !!! Là..elle passe mal...
Animaleries, foires aux chiens, même combat : cela doit cesser !!
Erreur fatale, au lieu de commencer par les équidés, nous avons terminés par le foirail où ils se tenaient....

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 On y voit toujours les maquignons à l'air matois, badine à la main...et les derniers chevaux, les moins beaux, aux poils ternes, mal peignés...deux se tenaient même sur trois pattes...mal au coeur encore une fois....
Quelques ânes du Cotentin étaient encore là...jolis grisous...
Et ces minis chevaux pour particuliers...des équidés d'appartement ????
Que deviendront ceux qui n'ont pas trouvé preneur...je n'ose y penser...
Alors la Foire de Lessay, je vous dirai d'y aller, parce qu'il y a tellement à y voir, prce que c'est une plongée dans le monde campagnard Normand...allez-y le matin pour voir le meilleur de l'élevage...n'achetez pas de chiens sur cette foire ni sur aucune autre...signalez aux surveillants les animaux qui vous paraissent épuisés, c'est ce que nous avons fait pour les deux chevaux...quant à vous dire ce que ça a donné...il était déjà tard...les maquignons partaient...alors...
Demain et dimanche ce sera le tour des ovins, bovins, caprins...
Je sais que le bien être des animaux de la ferme n'est pas la priorité et pourtant...ils ont aussi le droit à une vie et à une fin décente...

C'est peut-être en allant à la Foire de la Sainte Croix et en manifestant notre désapprobation que les choses commenceront enfin à évoluer...
passez un bon week-end..allez à la Foire...félicitez les éleveurs dont les bêtes sont resplendissantes, et il y en a, et les autres...incitons-les à en faire autant !!!