QUE TROUVEREZ-VOUS DERRIÈRE LA PORTE ?



Vous trouverez du coeur, du bonheur, de la colère aussi parfois...

Vous trouverez de bonnes et belles choses pour les papilles et les yeux...

Vous trouverez des mots, les miens et ceux des autres...

Vous trouverez de très étranges univers, des mondes imaginaires, de la folie...

Vous trouverez le passé, les légendes, les coutumes de nos terroirs et des peuples lointains...

Vous trouverez mon univers, mes proches, mes compagnons à 4 pattes...

Vous trouverez... MOI... et c'est tellement de choses que je vous les laisse découvrir par vous-même...

Poussez la porte.....

mercredi 21 mars 2012

HYMNE A LA LIBERTE

http://cocodesiles.unblog.fr


Aujourd'hui, nous célébrons la Liberté retrouvée...
C'est aux poètes que je consacre cette journée...

Tout d'abord un texte de
 Yann Kermabon, de Rennes, qui dédie ce poème à Earnst Bates, un soldat américain, tombé le 20 décembre 1944 lors des combats de la campagne de France. Earnst Bates repose au cimetière de Colleville-sur-Mer dans le Calvados.
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LOUPSERVIER


« Juste un nom... »

à Earnst Bates
Un deux mai, je suis venu te voir tout doucement. Seul le sifflement des oiseaux venait agréablement perturber le lourd silence du lieu. Je marchais parmi les innombrables croix blanches et le temps splendide me culpabilisait de vivre.
Au hasard d'une croix, de l'un de tes infortunés camarades, j'ai compté jusqu'à vingt-trois, c'est le premier nombre qui me passa par la tête. J'avançais en diagonale et tu m'appelais. J'osais à peine effleurer le si joli marbre de Carrare des croix intemporelles.
Alors, j'ai mis un nom au mot " liberté ".
C'était toi. Il y a longtemps maintenant que tu reposes là parmi tes frères de souffrance. Tu étais venu de ton lointain Oregon natal défendre l'opprimé. Sans doute, ne connaissais-tu pas ce pays où la mort t'attendait ?
Tu reposes ici chez toi en terre américaine. Ta courte vie vaut mille fois les nôtres.
Tu pourrais être mon fils maintenant. J'ai retenu mes larmes comme l'intime un panneau à l'entrée de l'admirable nécropole.
J'ai déposé délicatement un brin de muguet que j'avais emporté, un brin dérisoire. Je songeais en fixant longuement ton nom gravé que le muguet est un porte-bonheur. Ce geste maladroit voulait pourtant dire tant. Tu n'as peut-être jamais connu le bonheur ici-bas, le bonheur d'aimer, d'aimer une femme peut-être et le bonheur plus fort encore d'être aimé.
Alors, j'ai mis un nom au mot " liberté ".
J'imagine ton visage juvénile, imberbe peut-être. Visage inconnu et pourtant si proche maintenant.
C'est toujours injuste de mourir à vingt ans. J'avais perdu un fils. J'imagine ta peur avant l'assaut quand le déferlement de haine s'abattit. Je ferme les yeux et j'entends au loin le tocsin.
Alors, j'ai mis un nom au mot " liberté ".
LOUPSERVIER

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Et puis, je voudrais rendre hommage à ce poète que j'adore, Robert Desnos...
Desnos fut un poète charmant, qui célébrait les fleurs et les animaux,puis, surpris par la guerre, il devint Résistant..
il disait : « ce n'est pas la poésie qui doit être libre, c'est le poète... »
Tout en écrivant pour la presse clandestine, il continua à écrire des poèmes, magnifiques....
http://www.desnos.udenap.org

                       

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Robert Desnos – le veilleur du pont au change


Je suis le veilleur de la rue de Flandre,
Je veille tandis que dort Paris.
Vers le nord un incendie lointain rougeoie dans la nuit.
J’entends passer des avions au-dessus de la ville.

Je suis le veilleur du Point-du-Jour.
La Seine se love dans l’ombre, derrière le viaduc d’Auteuil,
Sous vingt-trois ponts à travers Paris.
Vers l’ouest j’entends des explosions.

Je suis le veilleur de la Porte Dorée.
Autour du donjon le bois de Vincennes épaissit ses ténèbres.
J’ai entendu des cris dans la direction de Créteil
Et des trains roulent vers l’est avec un sillage de chants de révolte.

Je suis le veilleur de la Poterne des Peupliers.
Le vent du sud m’apporte une fumée âcre,
Des rumeurs incertaines et des râles
Qui se dissolvent, quelque part, dans Plaisance ou Vaugirard.
Au sud, au nord, à l’est, à l’ouest,
Ce ne sont que fracas de guerre convergeant vers Paris.

Je suis le veilleur du Pont-au-Change
Veillant au cœur de Paris, dans la rumeur grandissante
Où je reconnais les cauchemars paniques de l’ennemi,
Les cris de victoire de nos amis et ceux des Français,
Les cris de souffrance de nos frères torturés par les Allemands d’Hitler.

Je suis le veilleur du Pont-au-Change
Ne veillant pas seulement cette nuit sur Paris,
Cette nuit de tempête sur Paris seulement dans sa fièvre et sa fatigue,
Mais sur le monde entier qui nous environne et nous presse.
Dans l’air froid tous les fracas de la guerre
Cheminent jusqu’à ce lieu où, depuis si longtemps, vivent les hommes.

Des cris, des chants, des râles, des fracas il en vient de partout,
Victoire, douleur et mort, ciel couleur de vin blanc et de thé,
Des quatre coins de l’horizon à travers les obstacles du globe,
Avec des parfums de vanille, de terre mouillée et de sang,
D’eau salée, de poudre et de bûchers,
De baisers d’une géante inconnue enfonçant à chaque pas dans la terre grasse de chair humaine.

Je suis le veilleur du Pont-au-Change
Et je vous salue, au seuil du jour promis
Vous tous camarades de la rue de Flandre à la Poterne des Peupliers,
Du Point-du-Jour à la Porte Dorée.

Je vous salue vous qui dormez
Après le dur travail clandestin,
Imprimeurs, porteurs de bombes, déboulonneurs de rails, incendiaires,
Distributeurs de tracts, contrebandiers, porteurs de messages,
Je vous salue vous tous qui résistez, enfants de vingt ans au sourire de source
Vieillards plus chenus que les ponts, hommes robustes, images des saisons,
Je vous salue au seuil du nouveau matin.

Je vous salue sur les bords de la Tamise,
Camarades de toutes nations présents au rendez-vous,
Dans la vieille capitale anglaise,
Dans le vieux Londres et la vieille Bretagne,
Américains de toutes races et de tous drapeaux,
Au-delà des espaces atlantiques,
Du Canada au Mexique, du Brésil à Cuba,
Camarades de Rio, de Tehuantepec, de New York et San Francisco.

J’ai donné rendez-vous à toute la terre sur le Pont-au-Change,
Veillant et luttant comme vous. Tout à l’heure,
Prévenu par son pas lourd sur le pavé sonore,
Moi aussi j’ai abattu mon ennemi.

Il est mort dans le ruisseau, l’Allemand d’Hitler anonyme et haï,
La face souillée de boue, la mémoire déjà pourrissante,
Tandis que, déjà, j’écoutais vos voix des quatre saisons,
Amis, amis et frères des nations amies.

J’écoutais vos voix dans le parfum des orangers africains,
Dans les lourds relents de l’océan Pacifique,
Blanches escadres de mains tendues dans l’obscurité,
Hommes d’Alger, Honolulu, Tchoung-King,
Hommes de Fez, de Dakar et d’Ajaccio.

Enivrantes et terribles clameurs, rythmes des poumons et des cœurs,
Du front de Russie flambant dans la neige,
Du lac Ilmen à Kief, du Dniepr au Pripet,
Vous parvenez à moi, nés de millions de poitrines.

Je vous écoute et vous entends. Norvégiens, Danois, Hollandais,
Belges, Tchèques, Polonais, Grecs, Luxembourgeois, Albanais et Yougo-Slaves, camarades de lutte.
J’entends vos voix et je vous appelle,
Je vous appelle dans ma langue connue de tous
Une langue qui n’a qu’un mot :
Liberté !

Et je vous dis que je veille et que j’ai abattu un homme d’Hitler.
Il est mort dans la rue déserte
Au cœur de la ville impassible j’ai vengé mes frères assassinés
Au Fort de Romainville et au Mont Valérien,
Dans les échos fugitifs et renaissants du monde, de la ville et des saisons.

Et d’autres que moi veillent comme moi et tuent,
Comme moi ils guettent les pas sonores dans les rues désertes,
Comme moi ils écoutent les rumeurs et les fracas de la terre.

À la Porte Dorée, au Point-du-Jour,
Rue de Flandre et Poterne des Peupliers,
À travers toute la France, dans les villes et les champs,
Mes camarades guettent les pas dans la nuit
Et bercent leur solitude aux rumeurs et fracas de la terre.

Car la terre est un camp illuminé de milliers de feux.
À la veille de la bataille on bivouaque par toute la terre
Et peut-être aussi, camarades, écoutez-vous les voix,

Les voix qui viennent d’ici quand la nuit tombe,
Qui déchirent des lèvres avides de baisers
Et qui volent longuement à travers les étendues
Comme des oiseaux migrateurs qu’aveugle la lumière des phares
Et qui se brisent contre les fenêtres du feu.

Que ma voix vous parvienne donc
Chaude et joyeuse et résolue,
Sans crainte et sans remords
Que ma voix vous parvienne avec celle de mes camarades,
Voix de l’embuscade et de l’avant-garde française.

Écoutez-nous à votre tour, marins, pilotes, soldats,
Nous vous donnons le bonjour,
Nous ne vous parlons pas de nos souffrances mais de notre espoir,
Au seuil du prochain matin nous vous donnons le bonjour,
À vous qui êtes proches et, aussi, à vous
Qui recevrez notre vœu du matin
Au moment où le crépuscule en bottes de paille entrera dans vos maisons.
Et bonjour quand même et bonjour pour demain !
Bonjour de bon cœur et de tout notre sang !
Bonjour, bonjour, le soleil va se lever sur Paris,
Même si les nuages le cachent il sera là,
Bonjour, bonjour, de tout cœur bonjour!



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Robert Desnos – ce coeur qui haïssait la guerre
Ce cœur qui haïssait la guerre voilà qu’il bat pour le combat et la bataille !
Ce cœur qui ne battait qu’au rythme des marées, à celui des saisons, à celui des heures du jour et de la nuit,
Voilà qu’il se gonfle et qu’il envoie dans les veines un sang brûlant de salpêtre et de haine.
Et qu’il mène un tel bruit dans la cervelle que les oreilles en sifflent
Et qu’il n’est pas possible que ce bruit ne se répande pas dans la ville et la campagne
Comme le son d’une cloche appelant à l’émeute et au combat.
Écoutez, je l’entends qui me revient renvoyé par les échos.
Mais non, c’est le bruit d’autres cœurs, de millions d’autres cœurs battant comme le mien à travers la France.
Ils battent au même rythme pour la même besogne tous ces cœurs,
Leur bruit est celui de la mer à l’assaut des falaises
Et tout ce sang porte dans des millions de cervelles un même mot d’ordre :
Révolte contre Hitler et mort à ses partisans !
Pourtant ce cœur haïssait la guerre et battait au rythme des saisons,
Mais un seul mot : Liberté a suffi à réveiller les vieilles colères
Et des millions de Francais se préparent dans l’ombre à la besogne que l’aube proche leur imposera.
Car ces cœurs qui haïssaient la guerre battaient pour la liberté au rythme même des saisons et des marées, du jour et de la nuit.

                          
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Et puis, Desnos fut arrêté par la gestapo, torturé Rue des Saussaies, incarcéré à Fresnes, puis déporté à Compiègne, il écrivit...
Camp de Compiègne, mai 1943. P. Feldkirchrer, aquarelle sur papier.
Source : Mémorial de la shoah.
               
« sol de Compiègne

CHŒUR (très pressé et comme se chevauchant)
Craie et silex et herbe et craie et silex
Et silex et poussière et craie et silex
Herbe, herbe et silex et craie, silex et craie
(ralenti)
Silex, silex et craie
Et craie et silex
Et craie...

UNE VOIX
Quelque part entre l’Hay-les-Roses
Et Bourg-la-Reine et Antony
Entre les roses de l’Hay
Entre Clamart et Antony

CHŒUR (très rythmé)
Craie et silex — craie et silex
Et craie
Et silex et craie et silex et craie
Et silex

UNE VOIX
Entre les roses de l’Hay
Et les arbres de Clamart
Avez-vous vu la sirène
La sirène d’Antony
Qui chantait à Bourg-la-Reine
Et qui chante encore à Fresnes.

CHŒUR
Sol de Compiègne !
Terre grasse et cependant stérile
Terre de silex et de craie
Dans ta chair
Nous marquons l’empreinte de nos semelles
Pour qu’un jour la pluie de printemps
S’y repose comme l’œil d’un oiseau
Et reflète le ciel, le ciel de Compiègne
Avec tes images et tes astres
Lourd de souvenirs et de rêves
Plus dur que le silex
Plus docile que la craie sous le couteau

UNE VOIX
À Paris près de Bourg-la-Reine
J’ai laisse seules mes amours
Ah ! que les bercent les sirènes
Je dors tranquille, oh ! mes amours
Et je cueille, à l’Hay, les roses
Que je vous porterai un jour
Alourdies de parfums et de rêves
Et, comme vos paupières, écloses
Au clair soleil d’une vie moins brève
Pleine d’éclairs comme un silex,
Lumineuse comme la craie

CHŒUR (alterné)
Et craie et silex et silex et craie
Sol de Compiègne !
Sol fait pour la marche
Et la longue station des arbres,
Sol de Compiègne !
Pareil à tous les sols du monde,
Sol de Compiègne !
Un jour nous secouerons notre poussière
Sur ta poussière
Et nous partirons en chantant.

UNE VOIX
Nous partirons en chantant
En chantant vers nos amours
La vie est brève et bref le temps.

AUTRE VOIX
Rien n’est plus beau que nos amours

AUTRE VOIX
Nous laisserons notre poussière
Dans la poussière de Compiègne
(scandé)
Et nous emporterons nos amours
Nos amours qu’il nous en souvienne

CHŒUR
Qu’il nous en souvienne"

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Il fut enfin envoyé en Allemagne, à Buchenwald, Flossenburg, Floha et enfin Teresienstadt, en Tchécoslovaquie...
Desnos, très affaibli, échappera à la chambre à gaz mais, abandonné dans une baraque immonde, il attrapera le Typhus...

Menerbes















Le camp fut libéré en mai 1945, Desnos toujours en vie sera reconnu par un bénévole tchèque, mais, malgré tous les soins qui lui seront prodigué, il décédera le 8 Juin 1945..
Josef Stuna et Alena Tesarova, les 2 aide-soignants Tchèque qui se sont occupés de lui jusqu'à sa mort dirons alors que Desnos leur a laissé un ultime poème, inspiré par celui-ci, écrit bien plus tôt pour son amour Yvonne George, disparue en 1929, et qu'il ne cessa jamais d'aimer...



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Robert desnos – j'ai tant reve de toi
Menerbes

"J'ai tant rêvé de toi que tu perds ta réalité.
Est-il encore temps d'atteindre ce corps vivant
Et de baiser sur cette bouche la naissance
De la voix qui m'est chère?
J'ai tant rêvé de toi que mes bras habitués
En étreignant ton ombre
A se croiser sur ma poitrine ne se plieraient pas
Au contour de ton corps, peut-être.
Et que, devant l'apparence réelle de ce qui me hante
Et me gouverne depuis des jours et des années,
Je deviendrais une ombre sans doute.
O balances sentimentales.
J'ai tant rêvé de toi qu'il n'est plus temps
Sans doute que je m'éveille.
Je dors debout, le corps exposé
A toutes les apparences de la vie
Et de l'amour et toi, la seule
qui compte aujourd'hui pour moi,
Je pourrais moins toucher ton front
Et tes lèvres que les premières lèvres
et le premier front venu.
J'ai tant rêvé de toi, tant marché, parlé,
Couché avec ton fantôme
Qu'il ne me reste plus peut-être,
Et pourtant, qu'a être fantôme
Parmi les fantômes et plus ombre
Cent fois que l'ombre qui se promène
Et se promènera allègrement
Sur le cadran solaire de ta vie."


est-ce la vérité ou non, toujours est-il que c'est magnifique :


LE DERNIER POÈME 
"J'ai rêvé tellement fort de toi,
J'ai tellement marché, tellement parlé,
Tellement aimé ton ombre,
Qu'il ne me reste plus rien de toi.
Il me reste d'être l'ombre parmi les ombres
D'être cent fois plus ombre que l'ombre
D'être l'ombre qui viendra et reviendra
dans ta vie ensoleillée."


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Les cendres du poète seront rapatriées à paris, sa ville natale tant aimée, et elles reposent au cimetière Montparnasse....
Paul Eluard, autre grand poète résistant, prononcera ses mots lors de la cérémonie :
« Jusqu'à la mort, Desnos a lutté. Tout au long de ses poèmes l'idée de liberté court comme un feu terrible, le mot de liberté claque comme un drapeau parmi les images les plus neuves, les plus violentes aussi. La poésie de Desnos, c'est la poésie du courage. Il a toutes les audaces possibles de pensée et d'expression. Il va vers l'amour, vers la vie, vers la mort sans jamais douter. Il parle, il chante très haut, sans embarras. Il est le fils prodigue d'un peuple soumis à la prudence, à l'économie, à la patience, mais qui a quand même toujours étonné le monde par ses colères brusques, sa volonté d'affranchissement et ses envolées imprévues. »
http://membres.multimania.fr/bouillondepoesie/auteur_Desnos.htm


Desnos n'est plus guère « à la mode », mais je vous invite tout de même à le découvrir ainsi que tous les autres poètes publiés par la revue « l'honneur des poètes » à la fin de la guerre...
Parce qu'après tout, notre Liberté, c'est aussi un peu à eux que nous la devons....

Le couple astral - Gouache de Robert Desnos (1935)

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